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Par pensée-critique le 20 Mai 2009 à 17:04
Le développement de la vidéo surveillance est une réponse technique à un problème qui est de l’ordre des rapports sociaux, des rapports humains dasn les sociétés capitalistes avancées. Il est lié d’une part au développement exponentiel de l’individualisme depuis les années 70, et au contrecoup de la récession économique post 30 glorieuses. Ces deux facteurs combinés donnent lieu à une société composée d’individus isolés les uns des autres, plus protégés par leur classe (dissolution du sentiment d’appartenance de classe suite aux 30 glorieuses), et de moins en moins par leur famille (décomposition du modèle familial traditionnel, famille nucléaire, hausse du nombre de divorces, etc.), en proie aux lois de l’économie de marché, avec comme instance de régulation des rapports sociaux un Etat dont le pendant social est en pleine décomposition et qui réaffirme ses fonctions gendarmes. Nous voyons ainsi se développer une société composée d’individus sans protection, en proie au chômage, à la précarité, à l’isolement, à l’exclusion, donc vivant dans un climat d’insécurité. C’est une situation de peur de l’autre, qui représente un concurrent potentiel qu’il faut éliminer. Ce sentiment de peur généralisé à tendance à développer des comportements agressifs qui renforcent ce climat d’insécurité. Et comme nous sommes dans une civilisation qui à fait de la technoscience sa religion, les réponses que l’Etat tente d’apporter pour réguler les rapports sociaux prennent une forme essentiellement technique et scientifique.
Les caméras ne sont évidemment qu’un correctif peu efficace. Elles n’ont pas pour objet de traiter les problèmes source de l’insécurité (le chômage, la précarité) mais d’affirmer la présence de l’Etat dans l’espace public pour réguler un ensemble de rapports, garantir un certain ordre, une liberté de circulation, de consommation, dans une ère ou celui-ci se désengage de plus en plus sur le plan socioéconomique. C’est en ce sens qu’il fait comprendre la manière dont les élus donnent sens au phénomène de la videosurveillance, lorsque l’on veut s’adresser à eux, et non dans celui d’un projet totalitaire, qui ne fait jamais écho puisque pour eux la videosurveillance à pour but de garantir un ensemble de libertés. Ainsi, harceler les mairies ne servira à rien. Ce n’est pas au niveau des élus qu’il faut attendre une quelconque impulsion de changement social. En effet, un élu, c’est d’abord une personne conforme à l’institution, et à l’idéologie de ceux qui l’ont fait naître. Il y adhère par incorporation de toute une série de normes et de valeurs, qui façonnent sa vocation pour la politique, ou par simple opportunisme.
S’il y à une sensibilisation à faire, ce n’est pas en tant que « Citoyen digne » au niveau de l’Etat Républicain, qui sait parfaitement ce qu’il fait et pourquoi, mais dans un rapport direct et sans interface avec la population, dans nos quartiers, nos rues, nos villes. Ce n’est pas par forme de lettre adressée au maire, mais plutôt de journal mural adressée à la « plèbe ». Se référer systématiquement à l’Etat pour réguler les rapports sociaux, c’est une déclaration de démission de la volonté de prendre en main nos existences, et cela revient quelque part à légitimer l’existence de la structure techno-institutionnelle du totalitarisme. L’identité citoyenne comporte certains dangers, relevés par exepmle par Alain.C dans l’impasse citoyenniste : D’une part cette dépendance à l’Etat dont nous venons de parler, d’autre part, la distinction moralisatrice entre bon citoyen et mauvais citoyen, qui fait abstraction des différences d’expériences, de modes de vies, de classe, de valeurs, pour créer une identité uniforme dans laquelle tous sont regroupée sous la bannière d’une citoyenneté abstraite et de laquelle ce qui ne conviennent pas à cette identité sont rejetés, désignés comme Ennemis de la société, bien qu’ils ne soient que les Ennemis de l’Etat et de l’économie de marché.
Enfin, les critiques adressées contre la videosurveillance comparent souvent ce projet sociétal à celui de l’Ex-URSS, pensée comme une société totalitaire, mais c'est oublier un peu vite que des sociétés dites libres et démocratiques pratiquaient un impérialisme sauvage hors de leurs frontières, et pratiquaient la chasse aux sorcières et une répression extrêmement violente dans les ghettos et les campus. Par exemple, les Etats-Unis au début de la guerre commerçaient avec les Nazis, et, durant la guerre froide, ont aidés à la mise en place de dictatures en Amérique du Sud (Pinochet), mené la guerre au vient Nam, en Indonésie, … que la France libre à fait la guerre d’Algérie, et fait matraquer sévèrement les étudiants révoltés de 68… le totalitarisme ne se résume pas à une dictature terroriste d’Etat, comme on en a vu en URSS, dans l’Allemagne NAZIE, en France sous Vichy, etc., Il s’accommode parfaitement de démocraties libérales qui derrière un pluralisme apparent masquent une domination effective des élites économiques. En cela, L’URSS et les NAZIS étaient en retard sur leur temps, car ils ne pratiquaient pas la barbarie douce, la tolérance répressive, ou la permissivité obligée, alors que dans le même temps, les élites américaines avaient bien compris que le contrôle social devait d’abord se constituer à l’intérieur, être intégré dans la structure psychologique des individus, et pas de l’extérieur par les armes. Un bon système de mass médias et de publicité entouré d’un minimum de protection sociale et donnant l’illusion d’une pensée libre et d’un choix politique possible donne des résultats bien plus efficaces en matière de contrôle social que quelques milices armées à la solde d’un pouvoir central autoritaire.
Pour finir, il ne fait pas confondre organisation économique et modalités d’exercice du pouvoir : le libéralisme politique s’oppose à l'autoritarisme, le capitalisme au communisme. Ainsi, si le capitalisme peut s’accommoder de pouvoirs autoritaires comme de pouvoirs garantissant les libertés, il en va de même pour le communisme : la seule différence est que seul le communisme autoritaire s’est pour le moment réalisé historiquement (et qui d’ailleurs n’est pas du communisme au sens marxiste pur, puisque la notion de communisme de Marx présuppose une organisation démocratique des producteurs immédiats à la base de la société) ce qui n’empêche en rien la réalisation future d’un modèle du type communiste démocratique ou libertaire.
(ce texte est en fait la reprise d'un commentaire que nous avions posté en réponse à "il faut bombarder systématiquement", intitulé "Bombrader systématiquement, mais ailleurs!")
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