-
Refaire la Démocratie
« Si la démocratie est le pire régime après tous les autres, la « démocratie réelle » est le pire régime après la démocratie représentative et tous les autres. »
« Au dirigisme de quelques uns, nous opposons la mobilisation de l’intelligence collective. »
« A l’attente d’un sauveur providentiel, nous opposons la prise en main de nos existences. »
I Quelques constats sur la démocratie représentative et le sens du vote
II REFAIRE LA DEMOCRATIE
1 Poser les questions de société
2 Décider
3 Appliquer les décisions
4 Elaborer des plans concrets d’application
5 Les cas d’urgence ?
III LIMITES ET APPORTS DE LA DEMOCRATIE REELLE
1 Tout changer pour ne rien changer ?
2 Développement d’une capacité des gens, du sens de la communication, de l’autonomie et de la responsabilité
3 La démocratie réelle n’aboutit pas mécaniquement au Socialisme
4 Pouvoir, capital et résurgence de la domination économique ?
5 Partis politiques et limitation du pouvoir
6 Despotisme de la majorité ou respect de minorités ? Réflexion sur l’implication des gens dans les processus de décision
7 Risque de surcharge
8 Du temps de travail en période décisionnelle
9 Risque que la raison technico-formelle prenne le pas ?
IV CONCLUSION
I QUELQUES CONSTATS SUR LA DEMOCRATIE ET LE SENS DU VOTE
Dans la démocratie représentative, qu’il s’agisse des villes, des communes, des régions, du parlement, du gouvernement ou de l’Europe, chaque parti propose à travers son programme une politique générale, qui se décline en de nombreuses propositions sur l’économie, le social, la culture, l’éducation, le logement, la santé, l’environnement, la sécurité. Bien souvent d’ailleurs, les programmes politiques se composent d’un centre névralgique et d’un ensemble de propositions annexes, secondaires, qui ne sont présentes que par démagogie, dans le but de séduire un électorat spécifique, n’adhérant pas aux conceptions centrales d’un part. Ces propositions n’ont finalement pour but que de permettre aux partis d’accéder au pouvoir.
Les gens votent le plus souvent non en fonction d’une adhésion à un programme politique dans son ensemble, mais en fonction d’une ou deux propositions qui les intéressent, qui constituent pour eux quelque chose de prioritaire par rapport aux propositions des autres partis. On constate aussi que certains votent soit en fonction de phénomènes charismatiques, c'est-à-dire plus pour la personnalité du candidat que pour son programme, soit par sanction, ou encore par stratégie du moins pire, c'est-à-dire, dans ces deux cas, « contre » un ou plusieurs partis. Mais dans tous les cas, à part les gens qui sont totalement acquis à une conception politique donnée, jamais on ne se prononce en faveur de l’ensemble d’une politique. Pourtant, on la subit durant plusieurs années. On aimerait le plus souvent ne pas être limité au choix entre une politique insatisfaisante et le simple refus protestataire. On aimerait, par exemple, pouvoir voter pour des propositions émanant de partis différents en ce qui concerne l’économie, le social, l’écologie, la sécurité.
Nous partons ainsi du constat que le vote dans la démocratie représentative n’a que peu de sens, que la démocratie représentative ne représente pas ce que pensent les gens. Il serait nécessaire, pour que le résultat du vote démocratique représente vraiment ce que pensent les gens, que ceux-ci puissent déterminer ce programme eux-mêmes, en délibérant de celui-ci point par point. Il faudrait alors supprimer les élections de candidats au gouvernement, et les remplacer par des délibérations collectives sur des actions politiques précises. L’Etat ne serait plus le lieu du gouvernement. Il deviendrait alors une simple structure administrative, sans pouvoir politique ou décisionnel, et sans autre but que celui d’appliquer les décisions prises collectivement.
Il n’y a guère que les élitistes, ayant ou désirant avoir la main mise sur le pouvoir, et considérant les gens comme incapables et bêtes, pour tenir aujourd’hui à la démocratie actuellement en place, et s’opposer à une possible amélioration de la démocratie.
Nous considérons au contraire que la société regorge de personnes possédant potentiellement l’intelligence et les connaissances nécessaires pour fonctionner et s’organiser, à tous les niveaux, sans le besoin d’une instance autoritaire chargée de les diriger.
II REFAIRE LA DEMOCRATIE
Nous avons précédemment évoqué quelques axes pour la mise en place d’une démocratie réelle. Il faudra remplacer les élections de candidats par des votes sur chaque point programmatique spécifique. L’Etat sera dépossédé de ses fonctions gouvernementales, il ne sera plus qu’une simple structure d’application des décisions démocratiques. Le parlement sera également remplacé par des assemblées accessibles à tous.
Trouver une forme de démocratie plus avancée suppose de prendre en compte la détermination des problèmes qui se posent et les objectifs que l’on se donne, l’élaboration des plans d’action pour y parvenir, et la mise en application de ces décisions. Cependant, les gens devraient être consultés, que ce soit au niveau de la détermination des problématiques politiques, des mesures à mettre en œuvre, ou des lois à adopter, et disposer d’une possibilité de contrôle sur la mise en application des décisions.
1 Poser les questions de société
Dans la Démocratie réelle, les partis politiques n’auront plus pour vocation l’exercice du pouvoir. Leur activité consistera simplement à développer et diffuser des idées, présenter des mesures, et animer le débat public. Néanmoins, ces activités sont aussi celles de nombreuses associations et collectifs. Il se pourrait alors que les partis coexistent avec, ou se dissolvent dans, ce type d’organisations. Il est néanmoins difficile d’imaginer la suppression des partis politique au sens large, c’est à dire de regroupements de personnes autour de conceptions communes et s’organisant pour défendre leurs intérêts. Les convergences de positions persisteront nécessairement, ainsi que la dynamique des Hommes à se regrouper et à agir. Ainsi, on constaterait davantage une évolution de la forme et de l’activité des partis, plutôt que leur disparition. On observerait aussi plus de porosité dans les appartenances politiques.
2 Décider
Les mesures, les lois et les projets seront votés par les gens eux-mêmes. Ce qui implique, par exemple, la suppression du parlement tel que nous le connaissons et son remplacement par des assemblées ouvertes à tous, dans lesquelles ces projets seront débattus avant délibération. Les décisions à prendre concerneront la mise à l’ordre du jour de certains sujets, les conclusions que l’on en donne, et le choix d’un plan concret d’application. Chaque projet politique respectera ces étapes et sera donc le fruit d’un suivi démocratique à chaque étape significative de son avancée.
3 Appliquer les décisions
L’Etat, le gouvernement, le pouvoir exécutif, seront remplacés par une administration efficace chargée de la mise en œuvre des décisions démocratiques. Cette administration n’aura donc aucun pouvoir décisionnaire, et ses membres seront révocables et soumis à un contrôle démocratique serré, dans le but de garantir la mission de service publique de l’administration contre les éventuels abus de pouvoir qui pourraient y avoir cours, l’instrumentalisation politique qui en serait fait ou l’émergence d’un pouvoir technobureaucratique.
4 Elaborer des plans concrets d’application
En ce qui concerne l’élaboration des plans d’application des mesures démocratiques, des comités de recherche interdisciplinaires seront constitués. Ces comités seront en liens avec des associations de société civile. Dans le but de limiter l’effet d’autorité des experts, plusieurs groupes de recherche seront constitués et mis en concurrence les uns avec les autres (ce ne sera pas une concurrence pour l’accès à l’existence, comme cela est le cas dans la société capitaliste, mais une concurrence à la création d’une situation qualitativement meilleure). Cette pluralité de comités concurrents permettra la circulation des savoirs scientifiques, et contribuera à déterminer ce qui est scientifique de ce qui relève de l’ineptie. La durée des recherches sera à déterminer démocratiquement. Elle devra néanmoins être suffisamment longue pour être consistante, et suffisamment courte pour que les gens se sentent toujours concernés. A la date butoir, les propositions programmatiques des comités seront soumises au vote et ensuite mis en application par l’administration.
5 Les cas d’urgence ?
Il faudra envisager une solution pour les cas d’urgence (séisme, ouragan, raz de marée, catastrophe pétrochimique et nucléaire, etc.). On pourra éventuellement élire un comité spécial chargé de décider dans ce type de cas. Il n’aura aucun pouvoir la majeure partie du temps, et n’interviendra qu’en cas de catastrophe. Les membres de ce comité seront renouvelés régulièrement et révocables à tout moment, si ce n’est peut-être, lors des cas d’urgence.
III LIMITES ET APPORTS DE LA DEMOCRATIE REELLE
1 Tout changer pour ne rien changer ?
La première limite perceptible de la démocratie réelle serait le fait de tout changer pour ne rien changer. C'est-à-dire que les changements formels n’entraineraient pas de changements substantiels. La structure idéologique et culturelle de la société, ainsi que la répartition des postures politiques, se trouveraient inchangées. A cette première objection, il convient de répondre que la forme et la substance sont bien souvent interdépendantes. Ainsi, un changement de la forme du pouvoir impliquerait certains changements au niveau de la pratique de la démocratie et des contenus politiques qui s’y développent.
2 Développement d’une capacité des gens, du sens de la communication, de l’autonomie et de la responsabilité
A travers la démocratie réelle se ferait tout d’abord l’apprentissage d’une capacité, en l’occurrence, d’une capacité des gens à décider du devenir de leur monde, d’une capacité à construire leur société, à faire de leur propre histoire. La démocratie réelle permettrait également de renouer avec une communication véritable et de la développer. La communication ne se résumerait alors pas à un phénomène marchand, visant à annoncer l’existence d’une chose et à produire une attraction envers celle-ci. Elle impliquerait et favoriserait les phénomènes de reconnaissance interpersonnels et les démarches réflexives critique de recherche de vérités au-delà des idées reçues. Enfin, du fait de la dissolution du gouvernement et de son remplacement par la délibération collective, la Démocratie Réelle serait le lieu d’apprentissage de l’autonomie et de la responsabilité collective. On ne sera plus dans la situation de désigner un dirigeant dont on sait qu’il ne résoudra pas les problèmes de la société, contre lequel sera dirigée une insatisfaction passive, mais néanmoins confortable. On sera dans le contexte d’une société en débat avec elle-même. Chacun sera confronté à l’expérience de se déterminer soi-même, de prendre ses décisions en connaissance de cause et d’assumer ce à quoi elles engagent. Il y aura ainsi une chance que le vote prenne un autre sens que celui de la démocratie de marché, dans laquelle il ne se résume le plus souvent qu’à des simples questions de préférence existentielle.
3 La démocratie réelle n’aboutit pas mécaniquement au Socialisme
Bien entendu, même si la Démocratie Réelle comporte bien des éléments empruntés Fédéralisme Anarchiste ou au Communisme de Conseil, même si elle remplace « le gouvernement des hommes par l’administration des choses », n’aboutira pas mécaniquement au Socialisme, même sous ses versions les plus diverses. Les socialistes de toutes les tendances devront continuer à lutter pour défendre leurs positions. Mais ils le feront dans un contexte quelque peu différent. Dans le contexte d’une société confrontée à elle-même, et non plus une société asservie par une instance officiellement autoritaire, vers laquelle sont tournées les colères et les désirs de prestige et de pouvoir. Dans un contexte où la décision à été prise de se défaire d’une structure faussement démocratique, organisée pour servir les intérêts des élites industrielles et financières et non ceux des gens. Dans un contexte ou seul un véritable élan collectif aura été capable de se défaire de l’ancien système et de produire un mode de fonctionnement plus adapté aux besoins des gens en termes de démocratie. Les socialistes devront donc lutter dans un contexte qui leur est plus favorable que celui de la démocratie représentative, dans un contexte ou auront été posées de nombreuses bases contenues dans leurs revendications.
4 Pouvoir, capital et résurgence de la domination économique ?
Cependant, le fait que le pouvoir décisionnel soit déplacé de l’Etat à la société civile ne préserve pas la démocratie de l’hégémonie des classes économiques dominantes. Ainsi, il se pourrait que la bourgeoisie s’empare du pouvoir politique car elle disposerait, comme elle en dispose aujourd’hui, des moyens financiers permettant de mettre en place une propagande de masse efficace. Les gens voteraient toujours « librement », mais à travers ce vote, on ne ferait que constater, comme on le constate aujourd’hui, l’influence diffuse des classes dominantes.
5 Partis politiques et limitation du pouvoir
Pour éviter qu’un parti ou qu’un groupe de partis ne s’installe et ne s’accapare le pouvoir, il sera nécessaire de repenser la question des financements des partis politiques et la distribution du temps de parole, notamment en période de campagne. La question de la distribution des moyens de campagne, des espaces d’affichage, des temps de parole, pour être véritablement démocratique, ne devrait pas être simplement posée en termes d’égalité, mais davantage en termes d’équité. La raison est que les gros partis, ceux qui exercent régulièrement le pouvoir au niveau local, régional ou national, font la démonstration quotidienne de leur politique. Ainsi, leur pratique fait en quelque sorte office de démarche explicative d’une grande partie de leur programme. Quand aux petits partis, ils se retrouvent souvent disqualifiés par méconnaissance, du fait que leurs positions sont méconnues et qu’ils n’exercent pas une fonction administrative, l’un étant lié à l’autre. Il se dessine un cercle vertueux du pouvoir pour les grands partis et un cercle vicieux de mise à la marge pour les petits partis. Ainsi, lors des campagnes, les petits partis devraient disposer au moins d’autant (sinon de plus) de moyens, de temps et d’espace. Il serait juste que les moyens financiers attribués aux partis soient plafonnés à un certain seuil, qui serait soit égal pour tous, soit déterminé de manière inversement proportionnelle à leurs victoires électorales. Une instance indépendante aurait la charge de collecter un ensemble de contributions et de les redistribuer de manière équitable, d’équilibrer les temps de parole et les espaces d’affichage. Cette répartition pourrait, par exemple, s’organiser de la manière qui suit : le dernier parti vainqueur devrait avoir un temps et occuper un espace 2 fois inférieur à son concurrent direct et au précédent parti vainqueur, 3 fois inférieur au précédent second et 4 fois inférieur à celui des autres partis. Tout ceci aurait pour but de permettre la circulation du pouvoir, et ainsi de contrer les effets de cristallisation qui se mettent en place avec le temps, et la monopolisation qui en est faite aujourd’hui.
6 Despotisme de la majorité ou respect de minorités ? Réflexion sur l’implication des gens dans les processus de décision
Dans une démocratie réelle, il se pourrait aussi la majorité puisse exercer une domination sur les minorités. Le fait que l’ensemble des gens décide directement de tous les problèmes politiques pourrait aboutir à un empiètement sur le respect des différences. Ce serait une forme de tyrannie qui aurait pour conséquence une homogénéisation de la population en fonction de la majorité. Pour contrer cela, on pourrait dire que les décisions devront être prises par les acteurs concernés, et que les questions qui impliquent une réponse dans la diversité devront être appliquées de manière proportionnelle. Par exemple, la question du mariage homosexuel ne devrait concerner que la communauté homosexuelle, les questions alimentaires devraient être posées dans la considération des régimes spécifiques, qu’ils soient médicaux, culturels, éthiques ou religieux. A l’inverse, la question de l’implantation d’une centrale nucléaire ne devrait pas être posée à l’échelle d’une ville, d’une région, d’un Etat, mais à une échelle mondiale. La raison en est que le risque encouru par la possibilité d’une catastrophe technologique, ou par l’impossibilité de traiter les déchets, est un risque qui s’applique au niveau mondial. Il existe bien des différences d’intensité du risque. On n’est pas exposé de la même manière à proximité d’une centrale ou d’une zone d’enfouissement des déchets nucléaire que si l’on se trouve à l’autre bout de la planète. On ne peut donc pas imposer la présence d’une centrale à une population qui n’en veut pas. Ainsi, si l’on décide qu’une centrale peut s’installer, il faudra que son emplacement soit déterminé en fonction des localités prêtes à encourir ces risques. Il faudra permettre aux gens qui ne veulent pas les encourir de déménager gratuitement et leur retrouver un emploi similaire là où ils déménageront. Ce schéma d’autorisation mondiale et de volontarisme local pourra se décliner à d’autres problématiques liées aux complexes technologiques et industriels.
7 Risque de surcharge
Il existe un risque de surcharge lié à la mise en place de la démocratie réelle. On entend souvent que les gens n’auraient pas la motivation de se déplacer toutes les semaines au bureau de vote. Dans ce cas, la démocratie réelle devra être mise en place par étapes. Contrairement à certaines tendances autogestionnaires, nous pensons qu’il est préférable qu’elle soit d’abord mise en place au niveau global, plutôt qu’au niveau local. La raison est que les décisions les plus importantes, que ce soit à partir de l’époque des Etats Nation, et bien plus à l’ère de l’interdépendance mondialisée et du risque environnemental et technologique majeur, sont prises à des échelons globaux et non locaux, tandis qu’elles ont un impact direct sur les différentes localités. Le local n’a pas prise sur ce qui se passe ailleurs mais en subit les conséquences. Ainsi, il y a de nombreuses décisions qui nécessitent une concertation globale, sans quoi elles restent le fruit des intérêts particulier d’une petite élite disposant de moyens d’intervention à grande échelle.
8 Du temps de travail en période décisionnelle
Travailler à temps plein ne permet pas de prendre le temps de la réflexion nécessaire à une décision aussi importante que celle des grands projets concernant l’avenir d’une société. Disposer de temps libre serait nécessaire pour se donner la possibilité de réfléchir, de lire, de s’informer, de s’exprimer, de communiquer, d’assister et de participer aux différents meetings et débats publics. L’activité professionnelle devrait ainsi être réduite de manière conséquente à l’approche des périodes délibératives afin que les gens puissent avoir une conception avancée du sujet dont il est question, de ses enjeux, de ses limites et des différentes possibilités qui s’offrent à eux.
9 Risque que la raison technico-formelle prenne le pas ?
Il existe un risque que la raison instrumentale, technique et formelle continue de s’imposer comme forme et outil de la domination dans une société où le pouvoir aurait été donné aux gens. Par la pratique quotidienne de certaines activités ne prenant en compte que l’adéquation des moyens par rapport aux fins, comme c’est le cas dans le travail organisationnel et stratégique, nous aboutirions à une sorte de technocratie diffuse. Ce serait une société où le pouvoir dépersonnalisé ne s’articulerait plus qu’autour de la technique et des règlements, où, au fond, on ne débattrait que sur des questions concrètes et formelles, et où l’on considèrerait comme sans valeur et superflue la discussion des questions éthico-philosophiques.
Ce risque pourrait tout d’abord être contrebalancé par le fait que malgré tous leurs efforts, les sociétés technobureaucratiques ne sont jamais parvenues à empêcher que ces types d’interrogations n’émergent. Elles les ont parfois reportées, discréditées, niées, neutralisées, ou réprimées, mais ces interrogations ont toujours resurgies soit lorsque les régimes en place parvenaient à réaliser le bien être et la pérennité de la société, soit lorsqu’ils se trouvaient dans l’incapacité de les assurer.
Il le serait ensuite parce que nous nous trouverions dans une situation où les gens devraient déterminer eux-mêmes leurs buts, leur devenir. Ils ne se les verraient plus imposés par aucun gouvernement, ni aucun complexe industriel ou financier. Ils auraient à prendre des décisions sur des aspects multiples de l’existence qui engageraient nécessairement l’interrogation des présupposés culturels et éthico-philosophiques. Ils devraient non plus seulement se poser la question du comment faire, mais aussi du pourquoi le faire, et par conséquent, interroger le sens qu’ils donnent à leurs actions. De plus, la démocratie n’aboutirait pas nécessairement à une forme de pensée unique. Elle pourrait, au contraire, favoriser la décristallisation des structures idéologiques. Ainsi, la question du « pourquoi » sera toujours à poser.
Néanmoins, il se peut très bien que durant certaines périodes, les questions éthico-philosophiques puissent être écartées, mises à la marge, exclues du débat politique. Pour se prémunir de ce danger, la solution pourrait être le développement d’une culture, d’institutions et d’une éducation allant dans le sens de la valorisation des interrogations philosophiques.
IV CONCLUSION
Si, dans certains de ses aspects, la démocratie réelle ne ferait que refléter des structures de pouvoir diffuses et cristallisées, il est fort à parier qu’elle apporterait également des changements qualitatifs sans précédents, que ce soit en terme d’autonomisation, de communication et d’implication des gens dans la réalisation d’un monde qui se fait pour le moment malgré eux, et même souvent sans eux. Les contenus et les mesures politiques prises seraient également modifiés. Les industriels et les banquiers cesseraient de dicter leur loi. Les moyens de productions pourraient enfin servir les gens et non plus les desservir. Des mesures écologiques sérieuses pourraient enfin être prises, et non bafouées continuellement dans des simulacres de sommets mondiaux. La démocratie réelle ne sera pas pire que la démocratie représentative et le consensus social-libéral qui s’est installé depuis plusieurs décennies, elle apportera même beaucoup plus en terme d’évolution, d’innovation et de créativité que la démocratie actuelle n’en a apportée jusque là. S’il est évident qu’elle n’aboutira pas, par elle-même, à une situation idéale, elle constituera néanmoins un cadre plus favorable pour se diriger vers des changements sociaux pour l’instant bloqués par la nécessité de choisir entre le programme du centre gauche et de la droite. Ce sera ensuite la tâche des forces progressistes de peser sur le cours des choses, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, pour réparer les dégâts causés par la domination et entraîner la société vers une amélioration constante de la qualité de l’existence.
-
Commentaires